Conte n° 1 : L'Arbre à voeux

Publié le par bea.chevalier-moinard.over-blog.com

Conte Russe.

Il y a bien longtemps, vivaient un vieux paysan et sa femme qui menaient une existence misérable. Ils logeaient tous deux dans une petite isba vétuste et sombre dont la cour ne résonnait plus qu'au bruit de leurs sabots. Quelques poules maigrelettes s'agitaient dans le poulailler, un vieil âne aux poils hirsutes brayait péniblement dans son enclos, quant au grenier, il était envahi par les souris qui avaient remplacé depuis longtemps les réserves de grains.

La vis des deux paysans était rude et les soupers frugaux.

Un jour, le vieil homme se rendit dans la forêt. Il lui fallait du bois pour chauffer sa maison. Le grand froid n'allait plus tarder à s'installer et rendrait la vie encore plus difficile.

Il s'enfonça dans les sous-bois obscurs et, après avoir longuement marché, aperçut un arbre magnifique, immense et large.

- Voilà ce qu'il me faut ! se réjouit le vieil homme.

Il s’empara aussitôt de sa hache et alors qu’il s’apprêtait à le couper, l’arbre s’exclama :

- Ne me coupe pas, bon ami ! Laisse-moi la vie sauve, et en échange, je m’engage à exaucer tes vœux.

Le paysan resta stupéfait. Il abaissa sa hache et réfléchit un instant :

- Es-tu en train de me dire que l’arbre que tu es, serait capable de m’offrir tout ce dont je manque ?

- Assurément, répondit le grand arbre. Et si tu en doutes, rentre chez toi et regarde…

Le vieil homme écouta l’arbre et regagna sa modeste chaumière. De loin, il entendait déjà les jacassements des poules qui s’entassaient désormais dans le poulailler. Il découvrit bientôt son pré, regorgeant de troupeaux de moutons. Des canards, des oies, des brebis, des ânes… tous plus vigoureux les uns que les autres.

Le pauvre paysan n’avait encore jamais vu de ferme aussi richement peuplée que la sienne.

Sa femme qui était montée au grenier disparaissait sous l’abondance de blé qui y était entreposée.

- Qu’est-ce que tout ceci ? s’écria la paysanne. D’où proviennent toutes ces richesses ?

- C’est incroyable ! hurlait le vieil homme. Je viens de faire la connaissance d’un arbre extraordinaire ! Alors que je m’apprêtais à le couper, il m’a supplié de n’en rien faire ; en échange de quoi il m’a promis d’exaucer tous mes vœux. C’est absolument merveilleux ! Je ne comprends pas comment tout cela est possible ?

- C’est ainsi et tant mieux ! conclut la vieille femme. Prenons ce que l’on nous offre et ne cherchons pas à comprendre.

La vie était plus douce à présent à la ferme. Il y avait de quoi manger chaque jour et les deux paysans auraient même pu nourrir plusieurs familles entières tant ils possédaient de richesses. Pourtant un jour, la paysanne alla voir son mari et lui dit :

- Être riche ne suffit pas ! Il nous faut plus ! Certes nous avons plus de poules et de moutons qu’il n’en faut pour bien vivre, mais au regard des autres, nous ne serons toujours que de modestes paysans. A présent je veux être estimée, et respectée ! L’argent ne suffit plus, il nous faut le pouvoir ! Retourne voir ton arbre et demande-lui de te faire maire de la ville.

Le vieil homme obéit à sa femme et se rendit dans la forêt. Il s’enfonça dans les sous-bois obscurs, et après avoir longuement marché, il aperçut son magnifique arbre, immense et large.

Le paysan brandit alors sa hache et le menaça de le couper s’il refusait de le faire maire de la ville. L’arbre fut fort déçu lorsqu’il entendit la requête du vieil homme. Pourtant il ne manifesta pas son chagrin, et répondit doucement :

- Rentre chez toi et regarde …

Le bonhomme écouta l’arbre et regagna sa riche chaumière. De loin, il entendait le brouhaha d’une troupe de soldats qui se pressait aux portes de sa ferme. Les hommes étaient furieux et tapaient sans relâche sur la porte de sa maison, réclamant le gîte et le couvert :

- Nous sommes de retour, maire fainéant ! hurlaient les cosaques. Voilà plusieurs mois que nous nous battons pour défendre ta ville tandis que toi, tu coules des jours heureux et tranquilles dans ta chaumière ! Avoue que tu nous dois bien l’hospitalité ! Ouvre-nous ta porte et offre-nous à boire, à manger et à dormir !

La paysanne était tapie dans un coin de la cuisine, craignant la colère de ces hommes :

- Être maire ne suffit pas ! se disait-elle en elle-même. Il nous faut plus !

Le vieil homme attendit que la furie des soldats se soit dissipée pour regagner sa chaumière. Sa femme sortit de sa cachette et déclara :

- Le pouvoir ne suffit plus, il nous faut la puissance ! Retourne voir ton arbre et demande-lui de te faire châtelain.

Le vieil homme obéit à sa femme et se rendit dans la forêt. Il s’enfonça dans les sous-bois obscurs, et après avoir longuement marché, il aperçut son magnifique arbre, immense et large.

Le paysan brandit alors sa hache et menaça de le couper s’il refusait de le faire châtelain. L’arbre fut fort attristé lorsqu’il entendit la requête du vieil homme. Pourtant il ne manifesta pas son chagrin, et répondit doucement :

- Rentre chez toi et regarde …

Lorsque le paysan rentra chez lui, il découvrit un superbe château. Avec sa femme, il visita chacune de ses pièces, toutes plus richement meublées les unes que les autres. Des lustres, des boiseries, des gravures, des dorures, tout était tel qu’ils ne l’avaient même encore jamais imaginé.

Les deux paysans y vécurent heureux durant quelque temps. Mais il advint qu’un jour, la guerre éclata à nouveau dans la région. Le châtelain, ainsi qu’il en était pour tous les hommes du pays, dut partir au combat. Pourtant la vieille femme refusa que son mari y participe en tant que simple et vulgaire soldat. Elle ordonna à son époux de se rendre auprès de son arbre afin qu’il lui demande à être nommé général des armées.

Le vieil homme obéit à sa femme et se rendit dans la forêt. Il menaça à nouveau l’arbre de sa hache, puis lui demanda d^’être nommé général. L’arbre fut fort contrarié lorsqu’il entendit la requête du vieil homme. Pourtant il ne manifesta pas son chagrin, et répondit doucement :

- Rentre chez toi et regarde…

De retour chez lui, le paysan découvrit que son bel arbre avait une nouvelle fois exaucé son vœu : comme convenu il fut nommé général et partit à la guerre.

Cependant par malheur, ses troupes perdirent la bataille. Le tsar, apprenant cette nouvelle, partit dans une colère incroyable. Il hurlait à travers le palais qu’il voulait punir l’incapable général dont la défaite déshonorait tout le pays.

De retour chez lui, le vieil homme alla voir sa femme. Elle enrageait de voir son mari traité de la sorte par son souverain :

- Être général ne suffit pas ! lui dit-elle. Il nous faut plus. Nous sommes riches et puissants, certes, mais il y a encore plus puissant que nous. Retourne voir ton arbre et demande-lui de te nommer tsar.

Le paysan obéit à sa femme et se rendit dans la forêt pour y retrouver l’arbre. Il brandit sa hache et menaça une nouvelle fois de le couper s’il refusait de le faire tsar.

L’arbre était désespéré, mais ainsi qu’il l’avait promis, il exauça le vœu du vieil homme.

En effet, peu de temps après le tsar ne tarda pas à mourir d’une étrange maladie. Le général et sa femme furent donc choisis pour devenir les nouveaux souverains du pays.

Le nouveau tsar et son épouse vécurent ainsi heureux durant quelque temps. L’opulence et le luxe dont ils jouissaient à présent semblaient avoir été de tout temps de leurs habitudes. Pourtant un jour, la tsarine alla voir son mari et lui dit :

- Être tsar ne suffit pas ! Il nous faut plus. Certes, nous sommes les plus riches et les plus puissants du pays, mais si Dieu le souhaite, il peut encore nous ôter la vie. Retourne donc voir ton arbre et dis-lui que nous voulons être Dieu.

Le paysan obéit à sa femme et se rendit dans la forêt pour y trouver l’arbre. Il brandit sa hache et lui fit part de son insensée requête.

C’est alors que l’arbre, qui avait jusqu’à présent contenu sa colère et sa tristesse, déversa tout son ressentiment :

- N’en avez-vous donc jamais assez, misérables paysans ? s’écria le grand arbre. Certes, vous m’avez laissé la vie sauve lorsque je vous l’ai demandé, mais il me semble vous avoir largement remerciés de votre charité. A trop vouloir, on finit par tout perdre !

Pour punir le vieil homme et sa femme de leur avidité et de leur ingratitude, l’arbre décida de les transformer en ours. Il métamorphosa leur palais, et condamna les deux cupides à errer jusqu’à la fin de leurs jours dans les sombres sous-bois des forêts de Russie.

Publié dans conte du jour

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J
C'est quoi le morale de l'histoire
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